L’innovation ouverte, la voie de l’avenir?

Publié par Éditeur en Chef Chasseurs de talents le

Même la manière d'entrevoir et de vivre l'innovation est aussi appelée à se renouveler!

Lorsqu’il est question d’innovation ouverte, on pense immédiatement à ces nouveaux modes d’idéation que sont, par exemple, les hackathons ou les rendez-vous virtuels d’envergure tels le IBM Innovation Jam.

Mais penser de telle manière, c’est réduire le concept d’innovation à sa plus simple expression et, surtout, c’est refuser de prendre la pleine mesure d’un phénomène qui comprend bien davantage que la simple R&D.

Force est de reconnaître que c’est le piège dans lequel j’étais tombé, et duquel je me suis extirpé grâce à une conversation fort éclairante avec Lionel Roure, maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de Paris.

L’expert, de passage à Montréal en sa qualité de conférencier invité du chapitre montréalais de l’Association Progrès du Management (APM), a tout de suite voulu préciser ce qu’il entend par le terme « innovation » : « L’innovation, dit Lionel Roure, c’est d’intégrer le meilleur état des connaissances dans un produit ou un service qui permet d’augmenter la satisfaction du client et de créer de la valeur ». La chose est dite, et bien dite!

L’innovation, un concept à redéfinir

Cela dit, pour Lionel Roure, « le meilleur état des connaissances » ne se résume pas qu’à rechercher, dans son domaine d’affaires précis, les dernières avancées technologiques ou scientifiques. Premier mythe à déboulonner, donc : la fermeture des frontières de l’entreprise!

Au contraire, résume Lionel Roure, l’innovation ouverte oblige aujourd’hui les entreprises et les organisations qui souhaitent en faire leur mantra à précisément sortir de la zone de confort que constitue leur domaine d’affaires et d’aller voir ailleurs ce qui s’y passe.

Mais plus encore, cette conception de l’innovation ne doit plus suivre une trajectoire « top-down », reflétant en cela la perception de quelques bonzes haut placés dans l’organisation, qui ont l’impression (et ce n’est bien souvent qu’une impression!) de réellement connaître ce que le consommateur voudra demain. Second mythe à déboulonner! 

Il faut davantage que cette volonté d’innovation prenne source à la base, dans cette masse de consommateurs et d’utilisateurs qui connaissent cent fois mieux le produit ou le service offert. Le cas du constructeur américain Local Motors illustre à merveille la chose, l’entreprise de Phoenix (Arizona) ayant eu recours à des co-créateurs issus de leur communauté virtuelle afin de concevoir leurs véhicules (voir la vidéo en tête d’article).

En somme, nous assistons, constate l’expert parisien, au remplacement d’un ancien paradigme d’innovation par une nouvelle conception radicalement différente : « Quand j’ai fait mes études, on me disait : « Il faut faire de la recherche, développer, breveter, protéger et mettre en marché. » » Plusieurs entreprises aujourd’hui ne suivent plus ce schéma traditionnel.

Des entreprises telles LEGO ou Apple sont aujourd’hui davantage des agrégateurs d’innovations créées de l’extérieur, plutôt que des développeurs à l’interne.

Innover tous azimuts

Vivre en 2016, en cette ère où dominent les technologies de l’information et de la communication, a ceci d’extraordinaire que les entreprises et les organisations n’ont qu’à plonger le bras dans l’univers virtuel pour faire appel à cette imposante masse d’experts, qu’ils soient scientifiques ou simple consommateurs, pouvant les aider à surmonter les plus grands défis de toute nature (technique, design, marketing, ressources humaines, etc.).

Il existe aujourd’hui des plateformes Internet qui permettent de recruter des experts partout sur le globe, de les mettre en compétition, voire même en collaboration, afin de résoudre un problème particulier. Et le tout, à une fraction des sommes qu’il faudrait allonger en termes d’immobilisations, de salaires et autres, puisque l’entreprise ne paie que pour l’idée retenue.innovation

« Mais attention, prévient Lionel Roure! Nous en sommes aujourd’hui à « l’entreprise augmentée », où chaque cellule de l’entreprise, chaque fonction, est potentiellement, grâce à ces outils-là [les plateformes de résolution de problèmes], capable de relever tous les défis qui se pointent. […] Il n’y a pas une fonction de l’entreprise qui n’échappe à cette capacité d’ouverture… »


Le long chemin vers l’entreprise augmentée

Certes, l’entreprise augmentée, telle que la décrit Lionel Roure, n’est pas légion aujourd’hui. Pas encore du moins! Comme c’est souvent le cas en telle situation, ce sont davantage les mentalités sur lesquelles l’organisation doit travailler, un matériau beaucoup plus difficile à remodeler. Progresser vers l’entreprise augmentée, affirme le conférencier, demande l’instillation d’une nouvelle culture de l’innovation qui accorde beaucoup moins d’importance à la sacro-sainte protection des brevets : « Est-ce que ce n’est pas plus malin d’avancer vite, plutôt que de déployer de l’énergie à vouloir à protéger un brevet qui tombera ou qui sera éventuellement copié? », demande-t-il avec justesse.

Surtout, affirme Lionel Roure, « ça demande de comprendre qu’aujourd’hui l’enjeu, c’est d’avant tout savoir se poser les bonnes questions, sans forcément disposer à l’interne des bonnes réponses. » Cela exige donc, de la part de l’organisation, une ouverture à tous points de vue, au chapitre des capacités de réseautage et, forcément, au chapitre de la confiance envers les collaborateurs qui fourniront la matière brute innovante.


On le voit avec le discours de l’expert Lionel Roure, même l’innovation est-elle même appelée… à innover et à se transformer!

​par François Normandin

Rédacteur en chef adjoint - Internet et médias sociaux pour la Revue Gestion - HEC Montréal


Catégories : Management